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braises recherche menu principal aller au contenu à propos crédits liste des billets rechercher : modes de vie , photos anthropophagie et démesure brésiliennes 26 mai 2019 braises laisser un commentaire les brésiliens francophiles aiment souligner l’influence française dans leur pays et affirment qu’ils aiment importer des idées françaises, que par exemple leur législation est basée sur le code civil napoléonien, ou leur « lois des eaux » sur le modèle français des agences de bassin. certes, mais il faut bien reconnaître qu’en les important ils modifient ces emprunts au point que les français ont parfois du mal à les reconnaître. il n’y a là rien que de normal, il est tout à fait logique que pour adapter quoi que ce soit (idée, institution ou pratique) qui vienne de la vieille europe, elles doivent être adaptées aux réalités, habitudes et goûts locaux. mais le changement est souvent drastique, car en les absorbant, les brésiliens les assimilent et les transforment, parfois radicalement. cela commence para la prononciation, « carr’four » devient « carréfour », leroy-merlin » se prononce « léroï-merlinne », et cela continue par la transcription des mots jadis français, réécrits en fonction de leur prononciation locale : abajur (abat-jour), bibelô (bibelot), bijuteria (bijouterie), bisoté (biseauté), bufê (buffet), camelô (camelot), chofer (chauffeur), maiô (maillot), suflê (soufflé), sutiã (soutien-gorge), tafetá (taffetas), toalete (toilette), etc. cette tendance ne date pas d’hier et pour qualifier ce processus – et attirer l’attention – un courant artistique brésilien avait dans années 1920 choisi de se baptiser « mouvement anthropophagique » [1] . s’appuyant sur le manifesto antropófago (« manifeste anthropophage ») du poète et agitateur oswald de andrade, il prônait non pas le rejet des cultures étrangères (et en particulier des cultures européennes), mais au contraire leur appropriation, leur absorption, leur assimilation. pour cela il proposait aux brésiliens de s’inspirer de la façon dont les « indiens » qui peuplaient la côte du (futur) brésil avaient accueilli les européens qui le « découvraient » : en les mangeant, pour assimiler leur savoir, leur force, leur puissance, mais en les mettant – si l’on ose dire – « à leur sauce ». la métaphore a été elle-même bien assimilée et dans sa série des « portraits de géographe » [2] de la société de géographie, celui qu’elle m’a consacré avait pour titre « le brésil est un pays anthropophage… » [3] . le rédacteur a choisi de la titrer ainsi car j’y relatais que, quand il m’avait incité à travailler sur ce pays, pierre monbeig « m’avait honnêtement averti que ‘ce pays est anthropophage’, et qu’il me dévorerait probablement », j’ajoutais en conclusion que « je ne lui reproche pas d’avoir été englouti par le pays, comme il l’avait prédit ». on peut avoir confirmation de cette tendance à transformer, en général dans le sens de l’exagération, ce qui vient d’europe, en observant des images ce que deviennent au brésil un certain nombre de produits ou d’institutions. puisque la métaphore d’oswald de andrade passait par l’alimentation, on peut commencer par l’assimilation au brésil de la banane flambée, du croissant ou du « jambon-beurre » français. banane, croissant, sandwich, pizza figure 1 banane flambée, versions français t brésilienne la toute simple banane flambée française (elle-même le produit d’un échange avec les amériques, d’où viennent le fruit et le rhum qui sert à la flamber) y devient ainsi un plat élaboré, où des rondelles de banane baignent dans un jus extrêmement sucré et sont accompagnées de glace décorée d’un coulis de fraise et chocolat. figure 2 croissant et sandwich, version française et brésilienne au brésil le croissant est rarement servi nature, il est en général fourré, soit d’une garniture salée (ici un strogonoff [4] de filet de bœuf) ou sucrée (ici un mélange de chocolat et de crème fraîche parsemée de bonbons m&m). et cela doit convenir au public puisque, par exemple, le réseau croasonho , un mot-valise formé à partir de croassã (croissant, dans sa transcription brésilienne) et de sonho (rêve) sert 18 000 « croissants » par jour dans ses 73 établissements. le sandwich, qui est souvent en france un simple « jambon-beurre » peut devenir l’incroyable sanduiche de mortadela servi au marché municipal de são paulo, avec beaucoup de mortadelle et très peu de pain. celui-ci est en général un petit pain blanc bien mal nommé pão francês (« pain français »), bien qu’il n’ait que de lointains rapports avec son modèle original. ou encore un invraisemblable hamburger multi étages dont on se demande comment on peut bien le prendre en bouche. figure 3 pizza, versions italienne et brésilienne la pizza vient d’italie, son origine remonterait à l’antiquité tardive et le mot y serait apparu en 997 [5] . cette pâte plate ressemble à de nombreux pains que l’on trouve encore aujourd’hui dans différents pays du bassin méditerranéen, mais c’est en italie qu’elle s’est développée sous sa forme actuelle. avec les échanges qui ont suivi l’expansion européenne dans le monde, la tomate et le buffle (dont le lait sert à fabriquer la mozzarella) arrivèrent en italie, plus précisément à naples et les napolitains ont été les premiers à recouvrir leur pain de tomates. au départ, ce plat simple était vendu dans les rues de naples et dans les pizzerias où ce pain était cuit dans un four à bois, comme dans une boulangerie. parmi les classiques de la pizza italienne figurent en bonne place la calabresa (du nom de la calábria, région où est née la saucisse pimentée de sa garniture) ou la margherita (figure 3), qui est en soi un symbole d’italianité puisqu’elle doit son nom à la reine margherita de savoie, ayant – dit-on – été créée par raffaele esposito lors d’une de ses visites à naples : sa garniture de basilic, mozzarella et tomates est censée représenter le drapeau italien vert-blanc-rouge. bon nombre de brésiliens, notamment les paulistanos [6] pensent que leurs pizzaiolos ont considérablement amélioré la pizza italienne en inventant de nouvelles garnitures salées (courgettes et bacon , poireaux et mortadelle, cœur de palmier et brocoli, roquette aux tomates séchées, oignons et crème de tofu) ou sucrées (banane avec fromage blanc et cannelle, lait concentré – très – sucré et fraise, nutella et noix de coco, brie à la poire [7] ). voire, comme sur la figure 3, ananas et glace au coulis de chocolat ou chocolat recouvert (derechef) de bonbons m&m. un autre domaine ou s’illustre la tendance brésilienne à importer puis à transformer une habitude – pour ne pas dire une institution – française, est le cas des boulangeries, des restaurants et des plats qu’on y sert au jour le jour ou dans les grandes occasions. boulangeries, plat du jour et plat de fête, restaurants figure 5 boulangerie, versions françaises une boulangerie française est tout bonnement un endroit où l’on va acheter son pain, en général tous les jours puisque cet aliment, après avoir était longtemps base de l’alimentation des français, est encore aujourd’hui présent sur la table à tous les repas, depuis le petit déjeuner jusqu’au souper. mais si somptueux que soit le décor de certaines d’entre elles, si varié que soit le choix qu’elles offrent, on ne s’attend pas y trouver autre chose que du pain et des pâtisseries, ou à la rigueur et plus récemment des sandwiches. au brésil en revanche les padarias , qui sont en principe l’équivalent des boulangeries françaises, sont devenus des magasins où l’on peut trouver de tout et même – en cherchant un peu – du pain. on peut le voir dans le cas emblématique de la boulangerie do moinho (du moulin), situé à cuiabá (mato grosso). figure 6 boulangerie, version brésilienne comme l’indique fièrement le site de la boulangerie [8] , « l’ensemble du bâtiment de la boulangerie moinho est entièrement axé sur la préservation de l’environnement et les économies d’énergie, avec une technologie de pointe, visant une produc